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Miserere - Rencontre généalogique

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Message  Anje Dim 23 Sep - 9:23

D’où viens-je ? D’un arbre noueux et très vieux, aux branches ployant sous le poids de fruits tendres, quelques-uns un peu véreux ; si vieux qu’on ne sait plus le nom de celui qui a planté la graine sur les terres d’Evreux, préfecture de l’Eure – Haute Normandie en France.

Je surfais par hasard sur la vaste toile du grand Internet quand il m’empoigna d’une branche de bois dur et rugueux, éparpillant sur mon bureau pixels et débris de verre de l’écran que je venais d’acheter chez D.

Je lui trouvai des manières rustres et une haleine de vieux lichen, champignons douteux et de moisissures; je décidai de lui résister mais il ne me laissa pas le temps de couper le courant et m’entraina dans son monde informatique. Non sans mal, il tira sur mes poignets d’amour - si j’avais su j’aurai choisi un écran panoramique-

- Toujours devant ton PC… De prendre l’air, ça te fera le plus grand bien, maugréa-t-il secouant les perles de gui qui envahissaient son feuillage et étirant haut vers le ciel sa ramure imprégnée de calvados hors d’âge. Je suis une essence rare. Que dis-je ! L’unique, l’arbre de tes aïeux. Regarde danser tes ancêtres au paradis.
- J’en ai connu quelques rares spécimen et crois-moi ils font partie de la race qui ont plutôt leur place à bouillir dans la grande marmite au Lucifer. Et puis il y a les encore vivants, cela ne sont pas tristes non plus. Le poids de leur conscience te fera dessécher ton corps de bois déjà piqué par les versquand leur tour viendra de s'effacer de la vie..… que je lui répondis.

Je levai tout de même le nez dans la frondaison. Mémé dansait la polka dans les bras d’un soupirant de sa jeunesse mort au front en 14, que de temps à rattraper; elle ne s'embêtait pas la mémé avec ce gamin de vingt ans presque tout frais. Je sentis son regard lumineux caresser mon épaule et je détournai par pudeur les yeux.
- Je te le concède, ta mémé est un modèle, un brin malicieuse mais un modèle tout de même… qu’il me chuchota, me ramenant à la dure réalité. Il y en a bien quelques-uns qui rôtissent au foyer du Diable.Il y a même un gaillard sans aucun remord qui tourne la broche et attise les feux infernaux. Les bougres me chatouillent le bout des racines quand ils chantent sur les braises.

Dans la fournaise, parmi tous ceux morts des lustres avant ma naissance, je reconnus Tonton le faussaire qui avait engrossé la fille cadette du cantonnier et avait amendé sa fredaine par un beau mariage avec un laideron d’un pays voisin et son frère, celui qui aimait tellement les sous qu’il avait rayé le mot Honnêteté dans son dictionnaire et qui faute d’honneur en avait acheté la breloque rougeoyante pendouillant sur son opulente poitrine.

Je m’assis sur une souche, une souche d'arbre de femmes et d'hommes tombés dans les limbes de l'oubli faute de descendants. Et bras dessous, branche dessus, les yeux dans les nœuds nous fîmes un brin de causette. Sous la brise des âmes errantes, mon arbre commença le grand déballage des naissances et des mariages arrangés, des bouts de bonheur et des grosses peines, des secrets d’alcôve et des petites hontes ensevelies entre deux images pieuses de premiers communiants.

- Je mets les bouts, que je lui dis, le temps passe et j’ai des trucs à finir avant de moisir pour l’éternité dans ton grand livre. Ma famille ne vaut pas tripette mais elle en vaut bien une autre.
De ses bras de bois, le pommier cueillit un fruit qu’il me tendit :
- Attrape, c’est plein de pépins. On ne choisit ni ses origines, ni sa famille mais tu peux toujours t’en aller faire souche ailleurs si ça te chante

C’était une toute petite pomme à cidre dure et amère que je laissai rouler un peu plus loin. Et vive la vie et vive l’avenir, adieu les aïeux, je vous aimais bien quand même, surtout ceux que je ne connaissais pas…

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Je surfais par hasard sur l’éternité du grand Faucheur, quand il m’agrippa d’un os ferme. Je lui trouvai des manières indécentes et une haleine de feuilles d’automne et de bois putride.

- Faut qu’on cause et qu’on fasse les comptes qu’il me fit avec les mêmes paroles inquiétantes et réprobatrices que celles de mon banquier au lendemain d’un découvert de rien du tout. Désolé, pour toi ça ne sera pas le paradis, tu as le vertige. Descend au caveau, j’ai un petit vin qui coule au gosier comme le petit Jésus en culotte de velours.

Où vais-je ? Au fin fond d’un trou normand avec sur la terre fraîchement retournée un pépin qui fleurira au prochain printemps nourri de mes entrailles.

Anje
Anje

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