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Message  Anje Ven 24 Aoû - 8:24

Je finissais de mettre en carton nos derniers effets…

A l’époque, nous n’avions pas encore eu, ni le temps, ni les moyens d’accumuler les bibelots et les souvenirs qui font le résumé d’une vie et qui finissent un jour, au grenier ; les objets gardés au cas où ils pourraient servir et qui ne servent jamais et ceux qu’on ressort à chaque visite du généreux et susceptible donateur de la vieillerie épuisée par les ans ou pire de l’œuvre kitsch dénichée bon marché aux Puces, qui aura tourné du salon aux toilettes sans trouver grâce aux yeux de la maîtresse de maison… En l’occurrence : moi ! - trente plus tard à l’heure où j’écris, toutes ces vieilleries auront au mieux les faveurs d’Emmaüs et plus probablement de la déchetterie.

Il ne serait tenu qu’à moi, j’aurai levé le camp avec mes deux aînés et ma valise, avec laquelle j’avais échoué à Rouen trois ans auparavant… Mais l’esprit de famille… c’est sacré ! Nom de… On ne blasphème pas, tous les coups sont permis mais en silence !

Entre le cheval à bascule de mon aînée et la servante regorgeant de tournevis , marteaux et autres outils que mon mari de l’époque, bricoleur aux mains d’or couvait de ses yeux fervents, un informe tas de cartons envahissait le salon. dont quelques-uns entr’ouverts la veille, dans le désespoir de retrouver le Coco-pinpin-doudou de mon fils, le plus gentil des bébés sauf… Sauf quand Coco-pinpin-doudou se faisait la belle ! Le long des murs, les meubles en planches vermoulues soupiraient d’avoir été encore une fois désossés ; c’était leur sort de passer de sœurs en frères au fur et à mesure des alliances ; le temps que le jeune couple s’installe plus commodément. Nous étions les derniers bénéficiaires de ces mochetés. Primo, les étagères de ces antiques joyaux ne survivraient plus bien longtemps ni aux huisseries fragilisées par les nombreux déplacements, ni aux coups d’un mari énervé de chercher le truc qui rentre dans le machin… Deusio, nous étions les derniers de la génération à avoir été casés, sans compter ma belle sœur, irréductible célibataire – je soupçonne que son état soit la conséquence directe de sa préférence pour le design Ikea… J’arrête là ma langue de vipère et mes digressions…


Nous avions toujours su que l’appartement ne serait jamais propice à l’élevage intensif d’une famille nombreuse, que nous partirions bientôt mais nous ne pouvions déserter l’endroit sans un serrement au cœur.

Nous quittions l’appartement qui avait vu naître mes premiers enfants et aussi le chantier maintenant rénové que mon mari avait dirigé ; je connaissais cet immeuble dans ses moindres intimités.

Je l’avais connu envahi d’ordures et de chats abandonnés à la liberté de courir les rats.
Je l’avais connu debout sur son squelette de bois qui aurait pu être démonté comme beaucoup de ses frères d’âge qui attendent encore dans les annexes de la mairie qu’un entrepreneur dans la cité leur fasse peau neuve à quelques pas de leur lieu de conception.
Je l’avais connu mutilé de son escalier, avec son rez-de-chaussée converti en entrepôts à matériaux, de casques, de casaques et autres filets qu’aucun ouvrier n’utilisait sans l’imminente menace de la visite hygiène et sécurité. Il servait de planques à litrons constamment alimentées par les maçons et les charpentiers qui levaient le coude plus souvent qu’à leur tour.


Je ne me souviens pas de l’endroit où nous devions échouer et ça n’a aucune importance car les évènements bousculèrent nos projets.

J’avais ficelé nos richesses dans les cartons…

J’avais un enfant affamé dans chaque bras… C’était un lundi après-midi, que le téléphone retentit de sa voix criarde de l’époque bien accroché au mur à l’autre bout de l’appartement. J’égrenais mille soupirs pour bien marquer mon enthousiasme, c’était ma mère, avant les enfants dormaient, plus tard mon mari aurait pris la communication ! C’était donc ma mère, la seule et l’unique qui me dérangeait entre le lait à chauffer et la pomme à découper… 16 h, c’était ma mère qui annonçait sa visite pour le lendemain. Rendez-vous était pris ! 14h, l’heure habituelle de sieste d’enfants en bas-âge comme chacun sait… sauf ma mère. Rendez-vous était pris, à l’aérodrome de Boos sur les hauts de la capitale haut-normande.

Bien qu’elle ne ménagea pas ni ses inutiles conseils ni ses remarques désobligeantes, ma mère ne mettait pas en doute mes qualités de maîtresse de maison. Mais elle invoqua le manque de confort d’un logement envahi par les échos du vide que tout son amour n’aurait su combler – je m’épate à si bien causer de sentiments filiaux !- Je pris bonne note du rendez-vous dans ma caboche entre une comptine et la liste de course ; j’avais une bonne mémoire et un évènement pareil, ça ne s’égare pas entre deux neurones.

Le lendemain, la famille entassée dans l’AX roulait dans la campagne cauchoise ; mon mari était ponctuel comme un coucou suisse, le clan le savait ! Les crapules en basse-œuvre et inutiles représailles n’ignoraient pas que nous serions absents entre 14 et 16 heures. Selon l’organisation maternelle, ces deux heures seraient bien assez longues pour n’avoir rien à se dire en sirotant un café, et suffisantes pour piller quelques souvenirs et babioles, histoires de frapper les esprits avant qu’ils déguerpissent et signer l’identité des mandataires.


Soulagés de quitter l’ambiance pesante d’une rencontre heureusement sporadique. Nous comptâmes sur nos doigts : sans évènement particulier, nous en avions pris pour six mois de tranquillité !

De retour rue de la grande faucille, je grimpai quatre à quatre les marches… D’étonnements, je m’entendis demander à mon mari qui venait de se prendre les pieds dans une roue de landau : « La porte d’entrée, c’est toi qui l’avait posé sur le palier en partant ? » Rigolez de ma répartie, il y a prescription !

Les souvenirs restants, les meubles avec leur poussière, il y a longtemps que je les ai remisés au solier et le mari en question en vente sur E-Bay ; je n’ai conservé que mes incorrigibles réflexions loufoques quand elles ne sont pas grinçantes ! Tiens, comme la porte qui trois heures auparavant dansait encore sur ses gonds.

Les cousins Le Petit en mesquine vengeance d’avoir été débouté par la Justice avait commandité l’effraction. Ils avaient rondement mené l’affaire pour nous impressionner : ce n’était pas le larcin mais le viol de notre foyer qui nous foudroyèrent.

Ma marraine, bijoutière par vocation et mère de nos godelureaux de cousins, en échange de ma médaille de baptême du gobelet en argent et autres pendentifs et bagues qu’elle m’avait offerts m’envoya la description circonstanciée des bijoux dérobés que je devais adresser aux assurances en vue de dédommagement.
Car l’esprit de famille… c’est sacré ! Le silence est d’or et l’argent fait morale !

La tante dans son grand cœur nous fit avec tous les détails, la liste des objets disparus… sur son comptoir. Sur son insistance, chacun se mit, dans leur grande mansuétude à fouiller dans les albums de famille à la recherche de mon cou et de mes doigts garnis des preuves.

« Je vous ai rajouté quelques valeurs, ces assurances sont si mesquines ! » me dit ma tante, me tendant le document tamponné et signé de sa main. Elle en savait quelques choses des aléas des indemnisations ; son sus-nommé fils avait abandonné le milieu pour s’être offusqué des méthodes du « Bourdon », c’est vous dire !

Chez nous rien ne sort ni les secrets encore moins les sous !

L’incontournable devise de la famille, si des fois, sur un coup de folie vous vouliez y entrer, se résume à : « on s’arrange » qui se déclina, ce bel après-midi d’été débutant en « On vous a bien arrangé » suivie par la devise « on lave son linge en famille » autrement dit « on vous a fait le ménage, on est trop bon, inutile d’aller l’ébruiter mais vous pourriez nous remercier».

Car il faut bien vous avouer que nous bafouâmes notre sang qui dans nos veines n’avait fait qu’un tour : nous déclarâmes le sinistre aux forces de l’ordre qui firent procès-verbal, indissociable sésame pour les assurances de la liste si obligeamment délivrée par la bijoutière.


Deux mois plus tard, nous recevions un chèque pour les pertes que je ne regrettais pas mais l’indemnité ne couvrit pas la blessure que nous aurions du prévoir en connaissance de l’engeance dont nous sommes issus mais aujourd’hui, je les remercie sincèrement de me fournir matière à mon cahier de souvenirs et à l’époque en sus d’un bon restaurant, je rafraîchis ma garde-robe.

La famille, il n’y a que ça de vrai !

C’est un bien précieux dont on ne vous défait pas comme d’un vulgaire diamant, un lien indéfectible avec ses origines, une entité viscéralement attachée à ses terres qu’elle partage largement pour mieux les reprendre par le jeu des alliances.

Je vous parle d’un temps révolu, c’était il y a trente ans.

Si vous êtes sages, j’ai encore quelques anecdotes fleurant bon la naphtaline que je vous raconterai bientôt.
Anje
Anje

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les gentlemen cambrioleurs Empty Le peintre en bâtiment

Message  Anje Ven 24 Aoû - 8:30

J'avais prêté un sentiment amoureux à cet immeuble, voici le poème :

Le peintre en bâtiment

Accours, grimpe sur l’échelle de mon désir
Allonge tes doigts sur mon corset de fer
Plaque-toi sur mon corps fatigué et gris
Glisse ta jambe, cale-toi bien contre mon cœur de pierre
Prends tes aises, je patiente dans l’attente du plaisir

Ne fais donc pas tant de manières
On se connaît depuis si longtemps

Entends mon squelette aux abois il frémit déjà
Sous ta douce main d’homme d’expérience
Qui s’attarde sur mes flétrissures
Du temps qu’il fait, du temps qui passe
De tout ce temps que j’ai passé à t’attendre

Ne fais donc pas tant de manières
On se connaît depuis si longtemps

Je sens tes cuisses et ton souffle chauds
Envahir mes intimités. La porte est close
Mais j’ai confiance, tu connais les ficelles du métier
À peindre des nuages de plénitude… Tendrement,
C’est ça doucement, nous n’avons plus vingt ans ni moi ni toi

Ne fais donc pas tant de manières
On se connaît depuis si longtemps

Je sens ronds, plats ou bien carrés tes pinceaux
Qui réveillent mes sens, danser le long de mes flancs.
Prépare tes rouleaux divers et de printemps. Oui,
De bas en haut encore et encore doucement,
Vieille au Bois Dormant. Fermement j’adore ta vigueur revenue

Ne fais donc pas tant de manières
On se connaît depuis si longtemps

Un pinceau de lumière traverse mes entrailles, j’ignorais
Que cela puisse encore une fois nous arriver à toi, à moi
Que tu travailles avec tant d’ardeur. Tu as tiré la clef de sa cachette
Pénètre vite en mon abri. Vite je ne puis plus attendre
Dis-moi comme c’est douillet et chaud dans mes gravats abandonnés.

Ne fais donc pas tant de manières
On se connaît depuis si longtemps

Assouvissons nos sens jusqu’à la dernière goutte d’élixir ambré de miel
Cachée dans le fonds de ta boîte à outils.
Tu me fignoles, tu me fouilles de tes soies ; J’ai retrouvé
les couleurs de mes quinze printemps. A l’époque je t’avais forcé à m’aimer
Tu m’avais à peine déflorée d’un bouquet de roses et de violettes
Ne fais donc pas tant de manières
On se connaît depuis si longtemps.

Est-ce la lumière du jour ou bien ton corps qui enflamme mon ventre.
A ton si doux calice que je boive pour étancher ma soif, éteindre mon feu.
Vite j’étouffe. Mourir d’amour, quelle plus belle mort ?
Je n’aurais jamais osé te demander tant. Tu vas, tu viens, tu repars mais reviens !
Une fois, une fois encore. Une grande vague envahit mon être.

Ne fais donc pas tant de manières
On se connaît depuis si longtemps.
Mon amant d’antan
Mon peintre en bâtiment

Il ne reste de moi qu’un petit tas de cendres
Et quelques fumerolles qui grimpent
Dans une dernière étreinte sur l’échelle du septième Ciel
Comme deux Feux Follets amoureux.
Ramasse mes souvenirs avec ta brosse, avec tes mains

Ne fais donc pas tant de manières
On se connaissait depuis si longtemps

Sous la bienveillance de Saint Ouen
Jettes-moi à la pluie aux vents
De notre cher Vieux Rouen

Mon amant d’antan
Mon peintre en bâtiment
Je t’aimais tant


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Anje
Anje

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